Un vase couvert à deux anses en porcelaine de Chine dit « flammé »

Un vase couvert à deux anses en porcelaine de Chine dit « flammé »
monté en bronze ciselé et doré
de la fin de l’époque Louis XV – vers 1765

 La porcelaine d’époque Qianlong (1736-1795)

Hauteur : 31,0 cm    Largeur : 12,5 cm    Diamètre de la base : 8,5 cm 

                    

 Ce vase en porcelaine de Chine à fond rouge nuancé de violet dit « flammé » présente sur toute sa surface une glaçure brillante et légèrement craquelée caractéristique de la production chinoise de la période Qianlong (1736-1795) sous la dynastie Qing. La forme est celle d’une bouteille, car la panse circulaire du vase supporte un haut col plus étroit. À sa base, la bouteille est portée par une monture en bronze ciselé et doré, le piédouche circulaire est formé d’une doucine enrichie de feuilles d’acanthe sur un fond amati ; séparée par une bague, la partie supérieure présente une alternance de feuilles plus ou moins longues qui sert à maintenir la bouteille. Également en bronze ciselé et doré et réparties symétriquement le long du col, les deux anses contournées formées de volutes feuillagées se distinguent par la présence d’une chute de graines dans la partie supérieure. Le col mouluré de la bouteille est rythmé d’un petit motif carré en amati. Le couvercle montre des entrelacs sur un fond amati, il est terminé par une pomme de pin.

Provenance :

Probablement ancienne collection de Sophie Arnould (1740-1802) ; sa vente à Paris, 30-31 décembre 1778, lot 56
Ancienne collection de Samuel Cunliffe-Lister (1815-1906), premier Baron Masham de
Swinton, à Swinton House (Nord Yorkshire), puis par descendance jusqu’en 2023

 

Bibliographie :

Émile Dacier, ‘Le catalogue de la vente Sophie Arnould illustré par Gabriel de Saint-Aubin’, Revue
de l’art ancien et moderne, vol. 26, no. 152 (10 novembre 1909), pp. 353-360.
Ce vase en porcelaine de Chine à fond rouge nuancé de violet dit « flammé » présente sur toute sa surface une glaçure brillante et légèrement craquelée caractéristique de la production chinoise de la période Qianlong (1736-1795) sous la dynastie Qing.

 

LA COLLECTION DE SOPHIE ARNOULD, CANTATRICE À L’OPÉRA

Bien connue du public parisien pour la qualité de son jeu et de sa voix, c’est à l’âge de dix-sept ans que Sophie Arnould (1740-1802) débuta une brillante carrière d’actrice et de cantatrice où elle interpréta, comme tragédienne, les plus beaux rôles du répertoire classique et des grands succès du moment (Fig. 1). Elle eut de nombreux amants et une longue liaison avec Louis-Léon-Félicité de Brancas, 3e duc de Lauraguais (1733-1824), avec qui elle eut quatre enfants. Proche des meilleurs peintres et sculpteurs de son époque, nous connaissons plusieurs effigies de Mademoiselle Arnould, dont celle par Jean-Baptiste Greuze (1725-1805) conservée à la Wallace Collection à Londres (inv. P413).

Fig. 1 – Louis Carrogis de Carmontelle (1717-1806)
Portrait de Mademoiselle Sophie Arnould, dans l’opéra de Pyrame et Thisbé
Aquarelle, gouache, encre et mine de plomb sur papier
1760
H: 32,0 cm ; L. 19,8 cm
Chantilly, musée Condé. Inv. Car-420

Renommée pour sa grâce, son esprit et ses bons mots, Sophie Arnould vouait une véritable passion pour la peinture et les objets d’art de très grand luxe. La cantatrice fréquentait les salles des ventes, elle participa en 1768 à la vente Gaignat, en 1776 à la vente Blondel de Gagny ou encore Randon de Boisset en 1777, elle fut d’ailleurs croquée à l’occasion de la vente Lauraguais en mars 1772, par le célèbre dessinateur Gabriel de Saint-Aubin (1724-1780) (Paris, musée du Louvre, inv. RF 52287). Elle se retira de la scène de l’Opéra en 1778, et elle décida de se séparer d’une partie de sa collection. Le catalogue de sa vente fut imprimé en supplément de celui du peintre Charles-Joseph Natoire (1700-1777) rédigé par l’expert Alexandre-Joseph Paillet (1743-1814). La collection de Mademoiselle Arnould composée « de plusieurs tableaux originaux, belles porcelaines anciennes, de la Chine, du Japon, de Saxe, garnies de bronzes dorés d’or moulu, beaux meubles, coffres de laque, bibliothèques en bois d’acajou, et autres objets curieux » fut cédée les 30 et 31 décembre 1778. Le vase couvert à deux anses en porcelaine de Chine à fond rouge flammé semble correspondre au lot n° 56 : « Une bouteille, forme oblongue, de porcelaine Jaspée, garnie de pieds ronds à feuillages, gorge et anses contournées, forme de Lyre, avec couvercle en bronze, terminée par une pomme de pin. » (Fig. 2).

Fig. 2 – Extrait du catalogue de la vente Sophie Arnould, les 30 et 31 décembre 1778

 

Parmi les autres porcelaines vendues par Sophie Arnould en 1778, deux pots-pourris agrémentés de bronze doré constituaient le lot n° 42 (Fig. 3). Ces pièces en porcelaine de Chine à fond turquoise figurèrent ensuite, comme notre bouteille, dans les collections anglaises de Samuel Cunliffe-Lister (1815-1906) à Swinton House.

Fig. 3 – Paire de pots-pourris en porcelaine de Chine turquoise d’époque Kangxi (1662-1722)
monture en bronze doré, vers 1765-1770
H: 24,5 cm ; L. 28,0 ; Pr. 19,0 cm
Collection particulière

LES COLLECTIONS DE SWINTON HOUSE EN ANGLETERRE

 

Swinton House près de Masham dans le Nord Yorkshire est une propriété édifiée à la fin du XVIIe siècle et tour à tour agrandie par ses propriétaires successifs. Le domaine est racheté en 1883, par Samuel Cunliffe-Lister (1815-1906), premier Baron Masham de Swinton (Fig. 4), qui embellit considérablement la décoration intérieure par de nouvelles acquisitions très importantes en tableaux, meubles français du XVIIIe siècle et un rare ensemble de porcelaines montées en bronze doré. Par son goût raffiné, grâce à son réseau d’amis conservateurs et d’antiquaires, le premier Baron Masham apparaît à la fin du XIXe siècle comme l’un des grands collectionneurs d’arts décoratifs français de l’Ancien Régime.

La fortune de Samuel Cunliffe-Lister provient en partie de l’empire industriel développé par son père autour de la fabrication du textile, mais il fut lui-même un grand inventeur en déposant plus de cent-cinquante brevets et il joua un rôle déterminant dans le développement de l’industrie textile en Angleterre. Ainsi, le site de Manningham Mills devint la plus grande filature de soie et de velours au monde. En 1888, l’entreprise employait près de cinq mille personnes, et, à son apogée, onze mille.

Il se maria en 1854, mais son épouse décéda prématurément en mars 1875 après lui avoir laissé plusieurs héritiers. Anobli par le titre de Baron Masham de Swinton, le 15 juillet 1891, il décéda quelques années plus tard, le 2 février 1906 à Swinton. Le domaine de Swinton est resté dans sa famille jusqu’en 1980.

Fig. 4 – John Collier (1850–1934
Portrait de Samuel Cunliffe-Lister (1815-1906), premier Baron Masham de Swinton
Huile sur toile, 1901
H: 127,0 cm ; L. 102,0 cm
Bradford Museums and Galleries. Inv. 1901-001

Ses descendants se séparèrent de diverses porcelaines montées d’une qualité exceptionnelle à l’occasion d’une vente organisée par Christie’s à Londres, le 4 décembre 1975. Les deux pots-pourris en porcelaine de Chine turquoise figuraient dans cette vacation (Fig. 3), tout comme un très rare vase formant pot-pourri en porcelaine de Chine à fond noir et or d’époque Qianlong (1736-1795) (Fig. 5).

Fig. 5 – Vase formant pot-pourri en porcelaine de Chine à fond noir et or d’époque Qianlong
(1736-1795), les bronzes d’époque Louis XV attribués à Jean-Claude Duplessis (1695-1774)
H: 41,0 cm ; L. : 37,5 cm
Collection particulière