Vues du château de Monceau et du château de Chantilly

Une paire de verres églomisés représentant les vues du Château de Monceau et du Château de Chantilly, 
d’époque Louis XIV – vers 1680-1700

D’après les gravures d’Israël Silvestre (1621-1691) Les cadres d’origine en peuplier doré et argent

Inscrit sur chaque vue en ancien Français : 

« VUEE DU CHATEAU DE MONSEAUX EN BRIE » 
« VEÜE DU CHATEAU DE CHANTILLY »

Hauteur des cadres : 17 cm    Largeur des cadres : 39 cm

 

Provenance :

Vente Dominique Delavenne et Didier Lafarge, Hôtel Drouot, Paris, le 13 juin 1990, lot No 60 (adjugé 780.000FF), reproduit en couverture du catalogue

 

Bibliographie comparative :

Guth, ‘Toute la vérité sur le verre églomisé’, Connaissance des Arts, v. 2, No 66 (août 1957), pp. 28-33.

L’art du verre églomisé, impliquant la peinture et la dorure au revers du verre, est pratiqué depuis l’Antiquité. Plutôt anachronique, étant donné qu’il était simplement responsable de la renaissance de sa popularité, cette technique a été baptisée du nom du décorateur parisien Jean-Baptiste Glomy (environ 1711-1786). Notre paire, cependant est antérieure à Glomy et a été identifiée avec des vues topographiques de châteaux royaux, imprimées pour la première fois aux environs de 1680.

La gravure de Montceaux est réalisée à l’eau forte, portant le nom du graveur, devenu vendeur de gravures, Nicolas de Poilly (1627-1696). Une lecture attentive des comptes de Montceaux révèle un versement effectué en 1679-1680 pour 2.000 livres au graveur Israël Silvestre (1621-1691) pour quatre planches représentant le château, ses jardins et son parc. Dans l’hypothèse d’un retard dans le paiement de l’artiste, cette gravure devrait donc être datée de la fin de l’année 1670.

La gravure de Chantilly est une rare vue prise de l’est jusqu’à l’entrée du château, qui ne rend en rien les rénovations classiques du début du XVIIIe siècle. Ici la gravure est anonyme, mais fait partie d’une série de Veües des plus beaux lieux de France et d’Italie. Cette importante série est attribuée à la famille d’artistes dirigée par Gabrielle Perelle (1604-1677) dont Silvestre s’est aussi investi dans la gravure des planches, qui sont publiées à Paris vers 1688. 

Des vues similaires en verre églomisé de châteaux bien que rares, sont connues : l’une avec une vue différente de Chantilly, l’autre de Marly, d’après les gravures de Perelle. La paire a été adjugé 850.000FF (marteau) dans la même vente en 1990 citée dans la provenance ci-dessus. Deux vues plus petites de forme ovale représentant St Cloud et le Zeughaus (Arsenal) de Berlin ont été vendues, Sotheby’s Monaco, 22 et 23 juin 1991, lot No 627.

Le domaine de Montceaux-lès-Meaux fut acheté par Henri II en 1555 et donné à son épouse, Catherine de Médicis, qui en confia l’embellissement à Philippe Delorme. Le château fut acquis ensuite par Gabrielle d’Estrées, maitresse d’Henri IV pendant que Jacques II Androuet de Cerceau y travailla avant que le Roi ne l’offre à son épouse, Marie de Médicis à l’occasion de la naissance du Dauphin en 1601. Un troisième grand architecte Salomon de Brosse, neveu du Cerceau, modifie ensuite le projet de son oncle, bien que les travaux cessent en 1622 lorsque Marie de Médicis décide de construire le Palais du Luxembourg. Au milieu du siècle, la Fronde vit des soldats logés à Montceaux et en 1665 l’état de délabrement est tel que Colbert ordonna à l’architecte Charles Chamois de commencer des travaux de rénovations qui durèrent plusieurs années. Montceaux avait à ce moment perdu une partie de son prestige, même s’il était encore utilisé pour des chasses somptueuses. Au XVIIIe siècle, le château fut attribué par Louis XV au Prince de Conti, qui transforma le pavillon d’entrée en pavillon de chasse. Confisqué en bien National en 1793, il ne reste aujourd’hui que des vestiges et des ruines.

Les origines de Chantilly remontent également au milieu du XVIe siècle. Parmi les bâtiments existants, le plus ancien est le petit château, construit vers 1560 par Jean Bullant pour Anne de Montmorency. Le domaine est devenu propriété des Bourbon après la restitution de sa confiscation royale à Charlotte de Montmorency, épouse d’Henry II de Bourbon, Prince de Condé. Leur fils, Louis II de Bourbon (Le Grand Condé) a organisé à Chantilly une vie de cour aussi dynamique que celle de Versailles, invitant tous les plus grands artistes de son époque, y compris Le Nôtre, qui a conçu les somptueux jardins. En 1719, le descendant du Grand Condé, Louis Henri, Duc de Bourbon, demanda à son architecte Jean Aubert de concevoir un nouvel édifice classique sur les fondations de l’ancien grand château fortifié, ainsi que les célèbres Grandes Ecuries (existantes). En 1793, le domaine fut démantelé à la suite de la Révolution et le Grand Château fut démoli pour être reconstruit quatre-vingts ans plus tard par le Duc d’Aumale pour abriter ses collections, aujourd’hui le Musée Condé.