Paire de coupes en agate

Paire de coupes en agate ornées d’une monture en bronze ciselé et doré à têtes de griffons
d’époque Louis XVI vers 1785
Profondeur : 9 cm Hauteur : 13,8 cm Largeur : 11 cm
Largeur des coupes : 11,5 cm Profondeur des coupes : 7,5 cm
Chaque coupe ovale en agate est bordée d’un rang de perles, que quatre griffons pincent avec leur bec tout en maintenant des chaînes. Les têtes sont supportées par une tige moulurée à enroulements, de feuillages d’acanthe, et de petits rinceaux contenant des rosettes de fleurs, terminés par des pattes à griffes. L’ensemble repose sur une base ovoïde enrichie en son centre d’une rosace et de quatre ressauts rectangulaires, le tout orné à toutes faces de grattoirs posé sur quatre petits pieds tournés.
Au XVIIIe siècle, ces objets rares et précieux ont toujours correspondu au goût des princes européens, dont Marie-Antoinette.
Sous les règnes de Louis XV et Louis XVI, les marchands-merciers parisiens jouèrent un rôle déterminant dans la création d’objets montés luxueux. Avec l’ajout de bronze doré finement ciselé, ils cherchèrent à valoriser les matières les plus belles : cristal de roche, bois pétrifié, jaspe, cornaline, sardoine, agate…
Dans L’Encyclopédie, Diderot et d’Alembert consacrent un article à l’agate. C’est « une pierre fine demi-transparente », sa palette de couleur varie du blanc laiteux mêlé de jaune au brun, et en fonction de sa transparence on distingue deux catégories : l’agate orientale (au poli plus net et d’une grande translucidité), et l’agate occidentale plus obscure et d’une qualité parfois moindre. Suivant l’apposition des tâches et des couleurs on relève aussi des agates onyx, œillées, herborisées…
Les plus importants collectionneurs se mirent à posséder des pièces en agate ornées de bronze doré. Parmi eux, nous citerons le joaillier du Roi, Ange Joseph Aubert, qui au moment de son décès détenait : « une charmante coupe d’agate orientale […] de forme ovale ; elle est richement garnie de quatre consoles de genre arabesque, qui se terminent du haut par autant de têtes d’aigles, qui semblent soutenir la coupe dans leurs becs. » De style arabesque, la monture de cette coupe est très proche de notre paire. D’autres apparaissent chez le marchand Le Brun, le financier Randon de Boisset, et chez la reine Marie-Antoinette pour son grand cabinet dit Cabinet doré au château de Versailles.
Marie-Antoinette était une véritable collectionneuse d’objets d’art
Elle rassembla principalement des vases en pierres dures, des objets en laque du Japon et des porcelaines d’Extrême-Orient. Soucieuse de faire préserver sa collection loin du tumulte révolutionnaire, quand la famille royale quitta Versailles pour le château des Tuileries, elle confia le 10 octobre 1789 tous ses objets d’art précieux au marchand-mercier Dominique Daguerre, installé rue Saint-Honoré à Paris. En effet, Daguerre avait contribué à l’enrichissement de cet ensemble, et la Reine lui demanda de les emballer, de les faire réparer et de les pourvoir d’étuis. Après la mort de la souveraine survenue le 16 octobre 1793, l’inventaire de la collection fut établi par la Commission des Arts, chez le successeur de Daguerre, Martin-Éloi Lignereux, le 16 décembre 1793. Des années plus tard, la majorité des œuvres fut ensuite attribuée au musée du Louvre .
Paire de vases, porcelaine de Chine, vers 1700 ; monture en bronze doré,
Paris, vers 1785, H. 29,3 cm.
Paris, musée du Louvre, département des Objets d’art, inv. OA 5267.
Le goût arabesque de la monture en bronze doré de notre paire de coupes en agate, avec ses rinceaux et ses chaînettes, apparaît aussi sur la paire de vases à six pans en porcelaine de Chine à fond bleu céleste autrefois chez Marie-Antoinette.
Coupe ovale, jaspe sanguin ; monture en bronze doré, Paris, vers 1785, H. 12,8 cm.
Paris, musée du Louvre, département des Objets d’art, inv. OA 11172.
Comme l’agate, le jaspe sanguin fut aussi très apprécié par la Reine qui fit l’acquisition de cette petite coupe ovale supportée par quatre sphinges et consoles à enroulements torses.
Charles Ouizille (1744-1830), Cassolette, agate, jaspe sanguin, miniatures à la
gouache, or, Paris, 1784-1785, H. 27,5 cm.
Paris, musée du Louvre, département des Objets d’art, inv. OA 10907.
Pour Marie-Antoinette, les orfèvres parisiens Pierre-François Drais et Charles Ouizille livrèrent quelques gemmes montées en or, comme cette cassolette en agate posée sur un socle carré orné de miniatures peintes par De Gault.
Paire de coupes, jade ; monture en bronze doré, Paris, vers 1785, H. 23,8 cm.
Paris, musée du Louvre, département des Objets d’art, inv. OA 13.
Parmi les autres grands clients parisiens du marchand Daguerre figurait la princesse Kinsky pour son hôtel de la rue Saint-Dominique où furent saisies, durant la période révolutionnaire, deux coupes en jade ornées de bronze doré. Elles offrent des ornements similaires de tiges à feuilles d’ornements et rinceaux, et une jonction à décor de grattoirs identique à nos deux coupes en agate.
Preuve de la grande modernité des gemmes montées commandées par la reine Marie-Antoinette, ou ceux de la princesse Kinsky, dès l’avènement du Premier Empire, l’impératrice Joséphine exposa dans ses appartements privés des principales résidences impériales, quelques-uns des plus beaux objets d’art livrés au milieu des années 1780. Les objets montés en agate à l’instar de notre paire de coupes sont l’expression du goût raffiné et intemporel des objets d’art de très grand luxe.
Vincent Bastien
Docteur en histoire de l’art