Page 40 - Pascal Izarn catalogue 2024
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s disposons de plusieurs sources et témoignages pour appréhender
cette si vaste collection. L’une d’elle est la description de son
appartement rue de Bondi faite par Thiéry en 17872, où apparaissent :
« quantités de pagodes, de cabinets, et de cabarets chinois. […]
beaucoup de vases de porcelaines de la Chine et du Japon ». L’autre
source est celle du catalogue de la vente de ses collections juste avant
son décès en 1790, où sont citées des porcelaines à décors chinois de
la Manufacture royale de Sèvres, et quantités de porcelaines rares de
Chine ou du Japon, « ces morceaux si difficiles à rassembler » s’avéraient
« d’un choix de la plus grande distinctions3 ».

Le duc de Chaulnes était sans doute trop attaché à nos deux vases,
car ils ne figurèrent pas dans le catalogue de la vente de son cabinet
en 1790. En effet, ils étaient restés chez Marie-Anne Lambert, sa
seconde épouse décédée le 28 février 1792 au château de Chaulnes
(Somme). C’est lors de la rédaction de son inventaire après décès, dans
une maison située rue de Limoges à Paris, que nous retrouvons leur
description très précise : « Item. Deux vases en porcelaine céladon du
Japon à dessins de branchages et fleurs avec gorge à gaudron pied à
tore de laurier, posé sur des tortues avec socle brettés guirlandes de
laurier et jeunes tritons formants anses, le tout en bronze doré, prisé
ensemble la somme de 100 livres4 » (Fig. 2). La prisée fut réalisée sous
la dictée de Charles-Henry Poussin huissier commissaire-priseur.

La confusion entre porcelaine du Japon et porcelaine de Chine Fig. 1 – Louis Carrogis de Carmontelle (1717-1806)
s’explique par la grande qualité du céladon sur cette paire de vases, car Marie-Joseph-Louis d’Albert d’Ailly, dit Monsieur le vidame
au XVIIIe siècle, les porcelaines japonaises étaient bien plus réputées.
Les éléments distinctifs de cette description comme la gorge à godrons, d’Amiens, puis 6e duc de Chaulnes (1741-1790)
les anses formées de « jeunes tritons » et la présence des quatre tortues Aquarelle, gouache, mine de plomb et
correspondent parfaitement. L’élément déterminent dans l’identification sanguine sur papier, vers 1758
de ces vases est le « socle bretté », car ils sont les seuls actuellement H. : 27,1 cm ; L. 18,5 cm. Chantilly,
recensés avec cette base. musée Condé (inv. Car119)

Au XXe siècle, ces deux vases issus de la collection du 6e duc de
Chaulnes prirent place chez d’importants amateurs fascinés par le grand
goût français.

Acquis à la fin de la décennie 1970 par l’antiquaire Maurice Segoura, ils figurèrent ensuite chez le président Félix Houphouët-
Boigny (1905-1993). Décoratrice reconnue et collectionneuse avertie, Ann Getty (1941-2020) fut séduite par ces deux vases
céladon qui ornaient le salon de sa résidence de Pacific Heights à San Francisco.

Fig. 2 – Extrait de l’inventaire après décès de la duchesse de Chaulnes en 1792
Paris, Archives nationales, M.C., ET/LXXV/881.

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